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Allergies

Allergie aux arachides : une désensibilisation orale qui ferait plus de mal que de bien

La désensibilisation à l'arachide par immunothérapie orale multiplierait par 2 et 3 la fréquence de réactions allergiques pendant le traitement, d'après une nouvelle analyse canadienne.

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Allergie aux arachides : une désensibilisation orale qui ferait plus de mal que de bien

L'allergie à l'arachide (cacahuètes) est potentiellement mortelle et touche 2% des enfants et 1% des adultes dans les pays à revenu élevé et dure toute la vie dans 80 à 85% des cas.

VOISIN / Phanie / AFP

La désensibilisation orale à l'allergie aux cacahuètes est peut-être efficace à terme quant à la tolérance qu'elle permet de retrouver pour cette substance, mais à quel prix ? Selon une nouvelle analyse canadienne de 12 études sur le sujet, ces traitements d'immunothérapie orale ne préviennent pas les réactions allergiques, mais au contraire les augmentent fortement pendant la durée du traitement.

La désensibilisation orale à l'arachide : un traitement à l'innocuité controversée

Administrer petit à petit des doses de plus en plus élevées de la substance allergène : la désensibilisation par immunothérapie vise à progressivement augmenter le seuil de tolérance à la substance responsable de la réaction allergique.

L'allergie à l'arachide (cacahuètes) est potentiellement mortelle et touche 2% des enfants et 1% des adultes dans les pays à revenu élevé. Contrairement à la plupart des allergies alimentaires, celle-ci dure toute la vie dans 80 à 85% des cas. Pour eux, l'objectif de la désensibilisation par immunothérapie n'est pas de pouvoir à nouveau manger normalement des cacahuètes, mais d'y être suffisamment tolérant en cas d'exposition accidentelle. Pour les allergies respiratoires, de multiples études confirment l'innocuité et l'efficacité de l'immunothérapie administrée sous la langue et en sous-cutanée. Mais pour les allergies alimentaires, la preuve n'en a pas encore été faite.

ANAPHYLAXIE ET EPINEPHRINE. L'anaphylaxie est la manifestation la plus sévère de l'allergie et peut provoquer un choc, une chute de pression artérielle et des difficultés respiratoires, voire la mort. Cette réaction généralisée concerne 5% des personnes allergiques, d'après l'Inserm. Le choc anaphylactique, potentiellement mortel, en est la forme la plus sévère. On peut atténuer ou stopper les réactions anaphylactiques par l'administration d'épinéphrine (ou adrénaline).

Un critère d'efficacité qui ne prend pas en compte le réel vécu des patients

Si l’immunothérapie à l'arachide a pour objectif principal de réduire les réactions allergiques liées à la maladie, le critère d'évaluation de son efficacité dans les études est actuellement la réussite d'un défi alimentaire supervisé ("oral food challenge" en anglais). Il s'agit de faire ingérer des quantités croissantes de l'allergène sous supervision médicale pour vérifier l'amélioration de la tolérance suite au traitement par immunothérapie orale. Un critère qui ne prend cependant pas en compte la fréquence des réactions allergiques du patient pendant le traitement, ni son futur risque d'en développer dans la vraie vie.

Un risque de réactions allergiques doublé à triplé pendant l'immunothérapie orale

Pour comparer la vision scientifique avec la réalité vécue par les patients, des chercheurs canadiens ont réalisé une méta-analyse, c’est-à-dire une analyse combinée des résultats de plusieurs études différentes. 12 études menées aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Europe et en Australie et incluant 1.041 patients de 5 à 12 ans suivis pendant un an en moyenne ont ainsi été intégrées à cette nouvelle méta-analyse.

Résultat, par rapport à ses comparateurs et tout au long du traitement, l'immunothérapie orale à l'arachide multiplierait par 2 le risque et la fréquence d'anaphylaxie (passant de 7 à 22%), et par 3 le nombre d'utilisations d'épinéphrine (passant de 4 à 8%) et d'effets indésirables graves (passant de 6 à 12%). D'autres réactions allergiques ont également augmenté, notamment au niveau du tractus gastro-intestinal (vomissements, douleurs abdominales, démangeaisons à la bouche), de la peau et des muqueuses (urticaire et gonflement ou angioedème), du nez (congestion ou rhinite) et des poumons (respiration sifflante ou asthme).

L'immunothérapie orale à base d'arachides "peut atteindre l'objectif de désensibilisation immunologique", mais ce résultat "ne se traduit pas par la réalisation de l'objectif clinique souhaité par le patient, à savoir réduire les réactions allergiques et l'anaphylaxie au fil du temps. Au lieu de cela, le résultat opposé se produit, avec plus de réactions allergiques et indésirables liées à l’immunothérapie orale qu'à l’évitement ou au placebo", réagit le Dr Derek Chu, auteur principal de la publication, dans un communiqué.

Une hétérogénéité de résultats "minimale" et "surprenante"

Les méta-analyses permettent souvent d'obtenir une vue d'ensemble ayant plus de poids que les études prises séparément, mais en contrepartie doivent toujours être interprétées avec prudence car elles s'appuient sur des études menées selon différents protocoles. Ici, les essais ont comparé l'immunothérapie orale contre un placebo, l'évitement de l'allergène ou d'autres types d'immunothérapie, et ont utilisé différents produits et doses d'arachide, ce qui "aurait pu ajouter une certaine hétérogénéité aux résultats", écrivent deux experts dans un commentaire publié dans la même revue. Pour autant, cette hétérogénéité était "minimale", ce qu'ils qualifient de "surprenant".

Ces résultats confirment une ancienne analyse de 2012 de la prestigieuse revue Cochrane, qui n'avait à l'époque pu analyser qu'une seule étude sur 28 enfants, dont la moitié avaient expérimenté des réactions allergiques pendant le traitement. Cette nouvelle analyse comprenant malgré tout peu de patients au regard du nombre d'études, elle devra être confirmée par de futurs travaux.

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