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Bugaled-Breizh : ces marins bretons racontent leurs croches avec des sous-marins
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Propos recueillis par Steven Lecornu
Ce samedi 15 janvier 2022 marque les 18 ans du naufrage du Bugaled-Breizh, qui fit trois morts et deux disparus en Manche. La justice anglaise a retenu la thèse d’une croche molle mais d’anciens pêcheurs bretons témoignent de leurs mésaventures avec un sous-marin.
1 Le P’tit Quinquin en 1976 : « Heureusement que la mer était belle, sinon, c’était foutu ! »
Le 20 janvier 1976, Jean-René Le Quéau embarque comme matelot sur le P’tit Quinquin. « J’effectuais un remplacement de quelques jours », se souvient-il. Le chalutier loctudiste de 15,50 m fait route, direction le sud des Glénan pour traquer la langoustine. Il est environ 8 h, la pêche vient à peine de commencer. Ils sont cinq hommes à bord. Dès le premier coup de trait, tout va déraper.
« J’étais à l’arrière à surveiller et d’un coup, je vois un câble qui se lève. Je vais à la passerelle débrayer avant de revenir à l’arrière », explique Jean-René Le Quéau. Le câble continue à se tendre et le bateau commence à reculer en prenant de plus en plus de vitesse. « J’ai tout de suite compris ce qui nous arrivait. Mon premier réflexe a été de sauter sur le treuil et laisser partir le câble. » Les autres membres d’équipage sont dans leur couchette. Le moment est critique, le cul du bateau est dans l’eau, jusqu’au pied de mât et la cuisine. Jean-René Le Quéau réveille l’équipe et demande une cisaille dans le poste avant. Il tranche la fune arrière. « J’ai eu peur que l’on remplisse le poste d’équipage, du coup, j’ai largué le chien (NDLR : (l‘appareil qui retient les câbles pendant le trait). Le mousse était apeuré. Heureusement que la mer était belle, sinon, c’était foutu. »
La scène va durer environ dix minutes, dix minutes de frayeur. Les dégâts ne seront que matériels. Peu après, le sous-marin, le Narval (basé à Lorient), alors en entraînement, faisait surface. Jean-René Le Quéau s’en rappelle précisément. Le marin-pêcheur avait alerté le centre radio-maritime du Conquet. « J’ai même communiqué avec le Narval. Je me souviens de voir un hélicoptère au-dessus de nos têtes. A l’intérieur, des personnes prenaient des photos », raconte l’ancien président de la station SNSM de Loctudy. Dans son édition du 28 janvier 1976, Le Télégramme relate l’événement et révèle que « Robert Le Pape (le patron) ne cache pas qu’il avait à un moment envisagé de faire évacuer le navire». Quelques lignes plus loin, on apprend qu’« Après avoir réparé son antenne, le submersible reprit son exercice».
2 Le Kerdalaë en 1979 : « Nous avons failli perdre la vie »
Élie Percelay a vécu deux accidents au contact d’un sous-marin. Le premier, en 1979, à bord du Kerdalaë, au large de Penmarc’h (29). « Il est 10 h, mer d’huile, je me trouvais à la passerelle, d’un coup le bateau part en marche-arrière en embarquant de l’eau. Ma première réaction a été de prendre la tranche pour couper la fune. J’ai tout de suite pensé à un sous-marin », confie le Lesconilois. Le chalutier est « remorqué » en marche-arrière pendant près d‘une heure. « J’ai eu très peur. Je me disais : s’il plonge, on plonge. Lorsque tout s’est arrêté, quelques minutes plus tard, j’aperçois un sous-marin, Le Requin, qui fait surface, et une dizaine de plongeurs autour. » Les panneaux de chalut sont pris dans le bâtiment. Les plongeurs ne s’embarrassent pas. « Tout est parti à l’eau ! », peste encore Élie Percelay. Le Lesconilois se rend alors à Brest pour pousser un coup de gueule. Ça paye. Il sera indemnisé.
Quelques années plus tard, le 6 février 1985, rebelott ! Cette fois, c’est à bord de l‘Apollo qu’il va à nouveau croiser la route d’un sous-marin. L’équipage est composé de six hommes. « Là, nous avons failli perdre la vie. » Il est 2 h du matin, le chalutier du Guilvinec en bois de 15 mètres est en pêche. J’étais à la couchette, il y avait beaucoup de vent cette nuit-là, des rafales de 30 nœuds. Soudain, j’ai entendu un grand bruit. Heureusement les funes ont cédé immédiatement, sinon le bateau aurait pu chavirer. Je suis persuadé que c’était un sous-marin. » Au lendemain de l’événement, Le Télégramme évoque, dans ses colonnes, une croche avec le sous-marin Le Morse (77 m), « petit frère du Requin » également basé à Lorient. « J’ai fait un rapport aux Affaires maritimes mais on m’a dit : circulez, il n’y a rien a voir. La Marine n‘ a rien voulu savoir. » Cette fois, il ne sera pas remboursé. « Je suis retourné sur cette zone de nombreuses fois pour retrouver mon matériel mais je n’ai jamais rien trouvé. »
3 L’Écho de la mer en 1989 : « On a eu de la chance de revenir »
Le 5 mars 1989, le bateau de Bernard Toulement se trouve dans le sud-ouest de Penmarc’h (29), à trois heures de son port d’attache, Lesconil. Les cinq hommes d’équipage sont en pêche sur des fonds de 130 mètres. Sur zone, d’autres navires sont présents. Il est 23 h, ce dimanche soir, quand le chalutier Écho de la mer, 16 m, est soudainement traîné par l’arrière.
« Je n’avais jamais été à une telle vitesse. C’était la panique à bord, se souvient l’armateur. Je me demande ce qui se passe, je pensais que c’était un pélagique qui m’avait pêché. Aucun feu de chalutier n’était visible sur la mer, je ne voyais rien sur les radars. Il mettait la gomme et changeait de rythme par à-coups comme pour vouloir se dégager. Cela va durer une dizaine de minutes. Je me mets sur le canal de détresse, le 16. C’est l’escorteur d’accompagnement, le Commandant L‘ Herminier, qui répond et me dit : "Vous avez pêché un sous-marin". En fait, ce n’était pas un sous-marin mais le sonar du sous-marin, une chance pour nous. L’escorteur m’a dit de laisser mon matériel partir, de tout lâcher sur le treuil. Je n’étais pas d’accord, au départ, mais il me dit que je serai remboursé. J’avais un accord verbal. » Bernard Toulement coupe alors le matériel de pêche qui s’en va vers le fond. Le sous-marin finit par faire surface à environ 50 mètres de l’Écho de la mer, avant de replonger pour poursuivre sa mission.
À l’époque, l’affaire fera beaucoup de bruit sur les quais. Le Télégramme publiera une série d’articles. La préfecture maritime de Brest se fendra d’un communiqué dans lequel elle indique qu’il s’agissait d’un « sous-marin nucléaire lanceur d’engins type M4 (SNLE)» en précisant que le SNLE « avait quitté Brest la veille et commençait sa patrouille de dissuasion». la préfecture ajoute : «Il est très difficile pour un sous-marin de se faire une idée de la situation à la surface de l’eau, en particulier dans les zones de pêche où les chalutiers sont en perpétuel mouvement». Bernard Toulement a été indemnisé de son chalut et de la perte d’exploitation. « On a eu de la chance de revenir. »
4 L’Ulysse en 1985 : « Soudain, je pars en marche arrière ! »
En 1985, Alain Nedelec est aux manettes de l’Ulysse, un chalutier hauturier de 20,60 m, basé au Guilvinec (29). Le navire, avec cinq hommes à bord, se trouve à proximité du rail d’Ouessant. « Il faisait beau temps, la mer était très calme comme un lac », se souvient le patron pêcheur. « Je prends les commandes sous le pont et je commence à virer. Soudain, je pars en marche arrière. Je lâche les manettes de treuil mais rien à faire, on allait toujours en marche arrière à une vitesse de 5/6 nœuds. Ça tirait fort et l’eau rentrait par le tableau arrière ». Panique à bord. « J’ai alors filé les câbles, 300 ou 400 m, mais l’eau continuait de rentrer. J’ai demandé au mécanicien dans la passerelle de débrayer. Quelques instants plus tard, je ressentis une secousse puis le bateau s’est soulevé de l’arrière et on a pu virer le chalut », ajoute-t-il. Pour Alain Nedelec, pas de doute, l’Ulysee a rencontré un sous-marin sur sa route. L’homme a de l’expérience. Les autres thèses sont écartées. « Ce n’était certainement pas une croche dans une butte de sable ni dans un câble sous-marin ». À l’époque, Alain Nedelec ne signale pas l’événement aux Affaires maritimes. « Même aujourd’hui, je reste convaincu que c’était un sous-marin », soutient le Bigouden.
Il y a 50 ans, le 1er février 1971, c’est son père Marcel qui échappait au pire à bord du Pen-Ar-Pont. Le chalutier guilviniste de 17 m avait été éperonné par le sous-marin nucléaire lance-missiles français Le Redoutable, avant de sombrer, à la sortie du goulet de Brest.
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Les six marins-pêcheurs avaient pu être sauvés par l’escorteur Casabianca. L’affaire avait été largement médiatisée et la Marine avait, tout de suite, confirmé l’information. Le 2 février 1971, dans les colonnes du Télégramme, le patron Henri Gloannec détaillait ainsi l’avarie : «Les hommes ont mis le canot à l’eau et j’ai dû m’y jeter aussi quand le chalutier a commencé à couler. En 30 secondes, il a disparu ».
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