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A la recherche du Mahomet de l’histoire

Les sources concernant Mahomet ont été écrites des décennies après sa mort, et peuvent donc donner une image biaisée du prophète de l’islam. Dès lors, qui était-il vraiment ? Le point avec Jacqueline Chabbi, spécialiste de l’islam classique.

Propos recueillis par 

Publié le 07 juin 2020 à 06h00, modifié le 26 juin 2020 à 10h43

Temps de Lecture 17 min.

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« Le Voyage nocturne (Miraj) du Prophète, chevauchant le cheval Bouraq, entouré d’anges », miniature issue du « Khamsé », de Nizami, attribué au Perse Sultan Muhammad (XVIe siècle).

Professeure honoraire des universités, éminente connaisseuse de l’arabe classique, Jacqueline Chabbi a profondément renouvelé l’approche des origines de l’islam. Sa démarche : prendre de la hauteur par rapport à l’histoire sacrée, qu’elle passe au crible de l’anthropologie historique. A la manière d’une enquêteuse, elle reconstitue avec minutie la vie du fondateur de l’islam, en la replaçant dans le contexte particulier qui était le sien : celui des tribus claniques du désert arabique. De là se dessine le passionnant portrait en filigrane d’un homme aux prises avec les réalités spatio-temporelles de son temps.

Quels sont les éléments de la biographie de Mahomet que nous connaissons avec certitude ?

« Dans sa tribu, la parole de Mahomet n’est écoutée par personne. Il finit par être banni de son clan et doit quitter La Mecque »

Il faut ramener Mahomet à son statut d’homme de tribu. On sait qu’il est mecquois puisqu’il faisait partie de la tribu des Qoraychites qui résidait dans la ville. La Mecque était de longue date un site sacralisé du fait qu’on y avait trouvé un point d’eau qui ne tarissait pas. Un culte saisonnier faisait circuit – comme aujourd’hui – autour des pierres sacrées (les bétyles) portées par les murs de la Kaaba. Abraham, que le Coran institue comme fondateur de la Kaaba (2, 127), en marge du conflit avec les juifs médinois, n’y est évidemment pour rien.

Au sein de sa tribu, Mahomet souffrait d’un double handicap : orphelin de père, ce qui était très gênant dans ce type de société, il est épousé (et non l’inverse !) par Khadija, une femme deux fois veuve et de vingt ans son aînée. De plus, bien qu’il ait eu des fils avec cette épouse, tous meurent en bas âge. Or, ne pas avoir de descendants masculins, en Arabie, était perçu comme une véritable tare. Cela explique l’insulte lancée contre lui à La Mecque quand il est traité de « châtré » (Coran 108, 3).

Par conséquent, son statut n’a rien à voir avec ce que décrit l’histoire sacrée, qui le présente comme un homme respecté de tous. Dans sa tribu, la parole de Mahomet n’est écoutée par personne, pas même par ses oncles. Il finit par être banni de son clan et doit quitter la ville.

Quel est le sens de son prêche ?

« L’inspiration première de Mahomet consiste à “avertir” la tribu que si elle persiste dans cette conduite inique, elle va en subir les conséquences »

Ce que Mahomet demande initialement à sa tribu, c’est plus de solidarité. Contrairement à une idée reçue, les Mecquois n’étaient pas de grands caravaniers. Mais ils semblent avoir réussi à mettre sur pied, à la fin du VIe siècle, un modeste trafic de deux voyages, l’un d’hiver vers la frontière du Yémen et l’autre de printemps qui aurait longé la côte de la mer Rouge en direction du nord (Coran 106, 2). Certains clans se seraient alors enrichis, mais auraient refusé de se montrer solidaires avec ceux restés sur place, pour s’occuper notamment du culte de la Kaaba. L’inspiration première de Mahomet consiste à « avertir » la tribu que si elle persiste dans cette conduite inique, elle va en subir les conséquences. Un homme de tribu devait en effet avertir les siens de tout danger qui les menacerait.

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