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Pierre Soulages en pleine lumière au musée du Louvre

Le musée du Louvre expose le peintre de l'outrenoir Pierre ­Soulages juste à côté de "La Joconde". Celui qui fêtera ses 100 ans la veille de Noël raconte être impressionné par l'événement.

Stéphanie Belpêche , Mis à jour le
L'exposition Soulages au musée du Louvres.
L'exposition Soulages au musée du Louvres. © Gilles Bassignac/Divergence pour le JDD

Le 24 décembre, il fêtera son centième anniversaire. Cependant Pierre ­Soulages, le plus grand des peintres français contemporains, n'a jamais été aussi jeune. Comme en témoignent ses derniers ­tableaux, d'une vitalité stupéfiante. Après l'imposante rétrospective du Centre Pompidou en 2009 qui célébrait ses 90 ans, au tour du Louvre d'accueillir le virtuose de ­l'outrenoir pour un hommage vibrant qui revient sur huit décennies de création, de 1946 à nos jours. Un parcours chronologique supervisé par le même commissaire, ­Alfred ­Pacquement, un ami de longue date, qui a effectué un choix resserré d'œuvres majeures (une vingtaine) pour témoigner de la longévité d'une carrière exceptionnelle.

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Le maître avait déjà exposé à deux reprises au sein du musée pourtant dédié à l'art ancien, mais de manière anecdotique. Cette fois, les toiles viennent des quatre coins du monde, et de son atelier à Sète : trois, verticales et monumentales, ont été exécutées tout spécialement pour l'occasion. D'une hauteur de 3,90 mètres, la dernière date du mois d'octobre ! Elle occupe pendant trois mois le prestigieux salon Carré, situé dans l'aile Denon, qui héberge traditionnellement les primitifs italiens. À deux pas de La Joconde, glorieux présage.

Il continue de travailler à un rythme soutenu

"Cet espace plaisait beaucoup à Pierre Soulages puisque, en temps normal, on y trouve Fra Angelico ou Cimabue, qu'il admire particulièrement, note ­Alfred ­Pacquement. Le ­Louvre présente rarement des artistes contemporains dans ses murs. Certains ont été sollicités pour des commandes ou une intervention. En l'occurrence, il s'agit d'une véritable monographie, avec un nombre restreint de tableaux mais qui embrasse les principales étapes de son œuvre qui se développe, se transforme, se renouvelle et surprend sans arrêt. Un peintre en activité à bientôt 100 ans dans le plus grand musée du monde : un événement rarissime qui doit être salué comme tel."

Pierre Soulages, figure majeure de l'abstraction, continue de travailler à un rythme soutenu, avec autant de plaisir. Même si quelques-unes de ses toiles, celles dont il n'est pas satisfait, finissent brûlées dans le jardin de sa maison sétoise, où il vit à l'année désormais. La ­semaine dernière, il a fait le voyage à Paris avec sa femme ­Colette pour ­superviser lui-même l'accrochage ­durant deux jours. "La lumière, à la fois naturelle et artificielle, le préoccupait, admet le commissaire. Il est étonnamment en forme, même s'il marche un peu moins bien. Une force de la nature! Il doit tout de même se préserver. J'espère qu'il viendra au vernissage mardi."

Le résultat force l'admiration. On redécouvre les travaux de ses débuts, des petits formats réalisés avec du brou de noix, une teinture brune de menuisier, ou du ­goudron appliqué sur des morceaux de verre cassé. Déjà, il invente quelque chose de singulier, de radical. Il délaisse le pinceau à poils de soie pour une brosse large de peintre en bâtiment. Ne trouvant pas dans le commerce tous les outils qui lui conviennent, l'artisan les façonne lui-même. Pauvre, il utilise même un drap de lit en guise de toile pour exprimer sa folle créativité. Par la suite, il touche à tout : encre, gouache, huile et acrylique à ­partir de 2004. Les supports s'élargissent progressivement, il joue du contraste en employant des tons plus clairs pour faire ressortir le noir.

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La manière dont il traite le pigment provoque une vibration et un reflet qui changent constamment, selon l'angle d'observation

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Au fil de la déambulation, on retrouve des pièces provenant des États-Unis, car dans les années 1950 il y expose régulièrement et vend à chaque fois la totalité de sa production à des collectionneurs et des musées. La dernière partie est consacrée à l'outrenoir, "qui nous emmène dans un autre champ mental que celui proposé par la peinture traditionnelle, où tout devient possible" déclare-t-il. Il ne fera désormais plus que ça. La matière acquiert une importance capitale. Il ne cesse d'expérimenter plusieurs techniques sur des surfaces fibreuses de plus en plus étendues. Toujours épris de liberté et suivant son instinct.

Pierre Soulages imagine des variations à l'infini dans la façon dont la couleur est appliquée : lissée, juxtaposée, creusée, striée, rayée, grattée, griffée, accidentée, lacérée avec des instruments comme le balai, le bâton, le racloir, la lame, pour accrocher différemment la lumière. "Le déclic survient en 1979, précise Alfred ­Pacquement. Depuis quatre décennies, c'est son quotidien. Il identifie ses œuvres par la technique, les dimensions et la date plutôt que d'orienter la vision par un titre. La manière dont il traite le pigment provoque une vibration et un reflet qui changent constamment, selon l'angle d'observation. Brillant ou mat, fin ou épais, le noir est sculpté dans un geste répétitif et régulier, pour révéler toutes ses valeurs. La peinture ne raconte pas autre chose qu'elle-même."

Un tableau adjugé à 9,6 millions d'euros fin novembre

 

A 99 ans et demi, l'artiste s'est lancé dans la fabrication des immenses panneaux qui clôturent la visite, d'une puissance émotionnelle évidente. "On pense aux ­fenêtres de l'abbatiale de ­Conques, dont il a signé il y a quelques années les vitraux. Il travaille toujours au sol. Il tourne autour de la toile, ou utilise une passerelle. Comme il ne se baisse plus beaucoup, il est muni d'un long manche au bout duquel est fixé l'outil de son choix. Il reste seul dans son atelier. Sa femme n'a pas le droit d'entrer! Son assistant n'intervient que pour déplacer la pièce achevée."

Alfred ­Pacquement a été foudroyé par l'œuvre de Pierre ­Soulages en 1969, dans une exposition ­collective au musée des Arts ­décoratifs. C'est lui le premier qui a dévoilé l'outrenoir en 1979 au Centre Pompidou, fondé deux ans plus tôt. Depuis, il est le témoin privilégié de son aventure hors du commun. "Il peindra jusqu'au bout, martèle-t-il. C'est inouï, miraculeux." Le 27 novembre, un tableau a été adjugé à 9,6 millions d'euros chez Tajan, à Paris. "Pierre ­Soulages possède l'autorité de l'artiste qui va de l'avant – son projet pictural ne doit rien à ­personne –, mais aussi une curiosité, une disponibilité, une ouverture à l'autre et une générosité touchantes. Un homme sympathique, drôle et malicieux. Qui aime profondément la vie."

Soulages au Louvre. Catalogue par Alfred Pacquement, ­Gallimard/Musée du Louvre éditions, 166 pages, 35 euros. www.louvre.fr. Du 11 décembre au 9 mars.

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