Le mont Pinacle n'accueillera pas de projet intégré de lotissement

Le mont Pinacle, icône de l’identité de Frelighsburg, ne pourra accueillir sur son sol d’éventuels projets résidentiels.

Les défenseurs de la nature au mont Pinacle ont obtenu ce qu’ils souhaitaient. Que la montagne, icône de l’identité frelighsbourgeoise, ne puisse accueillir sur son sol d’éventuels projets de lotissement résidentiels, ce que de futurs règlements d’urbanisme auraient pu permettre. Symbole d’une lutte citoyenne s’étant rendue jusqu’en Cour suprême en 2004, le mont Pinacle continuera de bénéficier d’une réglementation particulière encadrant tout projet de développement.


Tel en a été décidé lundi soir, lors de la deuxième séance ordinaire du nouveau conseil municipal de Frelighsburg. La mairesse Lucie Dagenais a expliqué sa décision, disant vouloir éviter que le développement du secteur du Pinacle crée un clivage dans la communauté, plusieurs citoyens s’étant prononcés contre le projet de plan d’urbanisme dans ce secteur, d’autres trouvant pour leur part que le plan n’allait pas assez loin.

Dans la salle du conseil, où près de trente personnes assistaient à la séance, des applaudissements nourris ont salué ce revirement de situation.

Nous avons décidé que ça ne valait pas la peine de se mettre à dos une partie de la population.

«Il y a plein d’autres beaux projets liés aux nouveaux règlements qui n’auraient pu voir le jour [si le projet de refonte du plan d’urbanisme était battu dans le cadre d’un référendum]», a précisé en entrevue Mme Dagenais, alors qu'un projet d'écoquartier est prévu près de l'école, par exemple.

Le futur plan d’urbanisme et ses règlements associés ont beaucoup cheminé depuis le début de la réflexion en 2017. Une consultation publique a notamment eu lieu du 21 février au 6 avril 2021, incluant l’assemblée publique virtuelle du 23 mars. Les commentaires et mémoires issus de cette consultation ont entraîné la révision des projets des six règlements d’urbanisme, incluant celui de zonage.

Les règlements révisés sont d'ailleurs disponibles sur le site Internet de la municipalité.

Jeudi 9 décembre, les règlements révisés seront adoptés lors d’une séance spéciale du conseil municipal. Ils devront ensuite être acceptés par la MRC de Brome-Missisquoi, à la table des maires. Viendra ensuite l’étape du registre citoyen, préalable à un éventuel référendum — un nombre minimal de signatures est obligatoire pour la tenue d’un tel exercice populaire. La tenue du registre, qui aura lieu plus tard cet hiver, sera précisée ultérieurement, a indiqué la mairesse en entrevue mardi.

Densification et abordabilité

Vingt-huit ans après la précédente révision de cette boîte à outils urbanistique, cette nouvelle mouture a plusieurs objectifs, dont celui de densifier les zones blanches encore constructibles à Frelighsburg, afin d’attirer de nouveaux résidents, des jeunes familles en particulier.

Le secteur du mont Pinacle, un temps considéré comme pouvant accueillir des projets intégrés de lotissement — «le règlement était très restrictif et tout projet aurait été soumis à un référendum», a souligné la mairesse à La Voix de l’Est —, a finalement été soustrait du plan de révision.

Lucie Dagenais, mairesse de Frelighsburg

Les membres de la Fiducie foncière du mont Pinacle, qui ont présenté un mémoire de 30 pages très argumenté sur le sujet — La Voix de l’Est l’a consulté —, se réjouissent de cette nouvelle. «Nous saluons l’ouverture de notre mairesse, et du conseil municipal. Il y a moyen de travailler ensemble. Mais il faut rester vigilants, c’est clair», indique Danielle Dansereau, présidente de la Fiducie, l’organisme voué à la conservation de la nature dans la région du mont Pinacle.

Mme Dansereau salue par ailleurs l’ambition du conseil municipal en ce qui concerne les autres aspects de la révision des règlements d’urbanisme, qu’elle voit d’un très bon œil. «Le retrait du mont Pinacle leur permettra de concentrer leur attention sur le noyau villageois», dit-elle. Des propositions très intéressantes sont d’ailleurs dans les projets, La Voix de l’Est s’y attardera ultérieurement.

Caractérisation

Ce que demande avant tout l’organisme de conservation est de documenter le plus précisément possible l’écosystème de ce territoire, que Mme Danserau qualifie de «riche et fragile» à la fois. Dans le domaine de conservation de la nature, on parle de «caractérisation». Celle-ci consiste à identifier, entre autres, les zones à haute valeur écologique et les espèces à statut précaires ou menacées.

Danielle Dansereau, présidente de la Fiducie foncière du mont Pinacle, organisme voué à la conservation de la nature dans la région du mont Pinacle.

À cet égard, précisons que de telles caractérisations ont lieu actuellement. Affilié à l’organisme de conservation Corridor appalachien, la Fiducie a déjà entrepris de telles initiatives, sur des portions limitées du Pinacle.

Plus largement, le Plan régional des milieux naturels de la MRC Brome-Missisquoi, qui sera prêt en juin 2022, présentera une synthèse des données environnementales du territoire de la MRC. Ce plan fera ressortir les grandes tendances et les forces des territoires, d’un point de vue naturel. Selon l’aménagiste de la MRC, Nacim Khennache, l’analyse de la MRC tiendra compte de données existantes, notamment celles sur les espèces fauniques et floristiques en situation précaire traitées par le Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec.

Puisque le niveau de caractérisation réalisé par la MRC se situe à une échelle qualifiée de «macro», pour le Pinacle, «il y aurait de la place à davantage de caractérisation terrain [NDLR : aucune étude de ce type n’a été faite par la MRC dans le cadre du Plan régional]», croit M. Khennache. Selon lui, s’il existe «quand même des données existantes qui parlent de la qualité du mont Pinacle, toute caractérisation supplémentaire est intéressante pour la protection d’un secteur. Cela amène toujours une valeur ajoutée».

Le mont Pinacle

Dans le cadre des travaux du Plan régional des milieux naturels — une exigence du gouvernement pour toutes les MRC du Québec —, l’aménagiste de Brome-Missisquoi indique qu’il est «clair que le mont Pinacle va ressortir comme un noyau forestier d’importance régional. C’est un élément identitaire fort», où la biodiversité est très importante.

Zones de conservation plutôt que «récréatives»

Revenons sur les règlements d’urbanisme en cours de révision. Pour le Pinacle, seul a survécu à cette refonte le changement de nomination d’une zone blanche de 800 hectares. Les trois «zones récréatives distinctes» mises en places à la fin des années 1980 — simultanément au changement de zonage de vert (agricole) à blanc (résidentiel, commercial et industriel), qualifiée d'«erreur historique» par la Fiducie — pour donner l’aval au projet de développement de l’homme d’affaires Pierre Tellier, qui avait l’ambition d’y construire une station de ski, un terrain de golf et un développement résidentiel de 350 habitations, sont remplacées par deux «zones de conservation», CONS1 et CONS2, cette nouvelle vocation marquant un changement de philosophie à l’égard de ce territoire, et ce, même si la zone CONS2 permet encore la construction de résidences le long des chemins Pinacle et Jenne, selon la Fiducie foncière du mont Pinacle.

Depuis 1994, le secteur du mont Pinacle continue donc d’être encadré par un Plan d’aménagement d’ensemble, un règlement «pouvant s’avérer utile [...] [quand] la protection du milieu naturel requiert des mesures particulières», peut-on lire sur le site du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

Une fois que la révision des règlements d’urbanisme sera menée à terme, la mairesse du village se dit prête à s’asseoir avec les différents partenaires du mont Pinacle pour entendre leur vision concernant ce fleuron régional.