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Pourquoi ces orques brutalisent-elles des marsouins jusqu’à la mort ?

Les orques de la mer des Salish mènent la vie dure aux marsouins depuis des décennies, mais l’origine de ce comportement n’est toujours pas claire.

Dans la mer des Salish, au nord de l’Océan pacifique, vit un groupe d’orques un peu particulier : les orques résidentes du sud (Southern resident killer whales en anglais). Elles se distinguent par leur architecture sociale; c’est le seul clan qui est composé de trois groupes distincts, avec plusieurs lignées matrilinéaires dans chacun de ces groupes.

L’autre point unique, c’est qu’elles présentent des comportements et un régime alimentaire assez inhabituels. Les biologistes savent déjà que les orques sont des animaux exceptionnellement intelligents et socialement développés ; chaque groupe dispose de sa propre culture, et les orques résidentes du sud en sont un excellent exemple.

Ce sont de fins gourmets qui ont un plat de prédilection bien défini. Elles se nourrissent quasi exclusivement de saumon royal, aussi appelé saumon Chinook. Un régime assez éloigné de celui des autres orques, qui consomment généralement des mammifères tels que les phoques. En théorie, elles n’ont donc aucune raison de s’attaquer aux autres espèces… et pourtant, elles ne s’en privent pas. C’est là le point le plus étonnant de la culture des orques résidentes du sud.

Les marsouins en voient de toutes les couleurs

Depuis des décennies, les chercheurs ont observé que ces superprédateurs s’en prennent régulièrement aux marsouins locaux, alors qu’ils n’ont clairement pas l’intention de les manger. Et ce comportement se transmet de génération en génération au sein du clan.

Parfois, les orques touchent simplement les marsouins de façon répétée ; mais il arrive qu’elles se montrent plus agressives. Elles peuvent aussi les griffer avec leurs dents acérées, les jeter dans les airs, ou les assommer avec leurs queues puissantes.

Certains cas ressemblent même à du harcèlement pur et simple ; des orques ont déjà été observées en train de “jongler” avec des marsouins en les mettant en équilibre sur leur tête… ou même de se faire des passes ! Des comportements qui laissent les biologistes perplexes. Nombre d’entre eux ont tenté de trouver l’origine de cette violence gratuite, sans succès jusqu’à présent.

Un jeu, un exercice…

Récemment, ce sont des chercheurs de l’Université de Californie qui ont tenté une nouvelle fois d’y parvenir. En épluchant plus de 60 ans de littérature scientifique, ils ont réussi à remonter aux premières observations de ce curieux phénomène, qui datent de 1962. Sur les six dizaines d’années qui ont suivi, ils ont retrouvé 78 témoignages qui décrivent des incidents de ce genre, soit plus d’un par an. 28 de ces marsouins sont décédés par la suite.

Ce chiffre est relativement élevé. En effet, contrairement aux autres clans, les orques résidentes du Sud se tiennent généralement à une distance raisonnable des embarcations humaines. À ce jour, aucune attaque envers les humains n’a été enregistrée chez les orques résidentes du sud, contrairement à celles qui évoluent plus près de nos côtes.

Cela suggère que l’ampleur de ce harcèlement est probablement bien plus importante que ce qui a été observé. Mais au-delà de ce constat, le mystère reste entier. Les chercheurs américains n’ont pas réussi à déterminer précisément l’origine de ces comportements. En revanche, ils ont identifié trois explications potentielles.

La première possibilité, c’est qu’il s’agit simplement d’un jeu. Un peu comme un chat qui mène la vie dure à un rongeur sans le manger, les orques pourraient s’amuser aux dépens des marsouins pour le plaisir. Comme les autres jeux pratiqués par ces mammifères, ces activités pourraient contribuer à leur bien-être psychologique et à la cohésion du groupe.

Il pourrait aussi s’agir d’un exercice pour les plus jeunes individus. En poursuivant ces cibles mobiles, ils peuvent perfectionner leurs techniques de chasse pour être capables de contribuer lorsque le clan se retrouve face à un banc de saumons.

…ou un glitch de l’instinct maternel ?

Il reste une dernière théorie plus étonnante. Selon les chercheurs, dans certains cas, il pourrait s’agir d’un cas de mismothering, que l’on peut traduire par “erreur de maternage“. En substance, il s’agirait d’une tentative de prendre soin de certains animaux qu’ils perçoivent comme faibles ou malades. Cette interprétation est surprenante, sachant que les marsouins sont parfois sacrément malmenés par ces pratiques.

Mais cette piste n’est pas complètement dénuée de sens. Les auteurs de l’étude présentent deux arguments qui pointent dans cette direction. La première, c’est que certaines orques femelles ont été observées en train de transporter leurs enfants malades ou morts en équilibre sur leur tête, exactement comme elles le font parfois avec les marsouins.

Le deuxième argument, c’est qu’il pourrait s’agir d’une façon de satisfaire leur instinct naturel à prendre soin les uns des autres. Selon les chercheurs, près de 70 % des grossesses du clan terminent par une fausse-couche ou une mort prématurée de l’orque juvénile. Elles pourraient donc déplacer cet instinct sur d’autres animaux, mais aussi s’en servir comme exutoire pour évacuer la frustration liée à la mort du bébé. En effet, plusieurs études suggèrent que les cétacés sont profondément affectés par la mort de leur progéniture.

Les chercheurs insistent sur le fait qu’il ne s’agit que de théories, et reconnaissent qu’il sera très compliqué d’obtenir une réponse définitive. Ils en profitent toutefois pour rappeler qu’il est fondamental de protéger ce groupe d’orques unique, mais aussi les saumons indispensables à leur survie.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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Source : EurekAlert

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