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Que penserait Pierre Bourgault du Québec d'aujourd'hui, 20 ans après sa mort?

Josée Legault
En 1996, Pierre Bourgault et Josée Legault au Salon du livre de Montréal. Photo fournie par Josée Legault


Il y a 20 ans déjà aujourd’hui, à 69 ans à peine, Pierre Bourgault nous quittait. C’était beaucoup trop tôt. Depuis sa mort, il m’arrive souvent de me demander ce qu’il penserait de ce que devient le Québec.

Aujourd’hui, que dirait-il de la CAQ, du Parti Québécois, de Justin Trudeau, des médias sociaux, des complotistes, de Trump ou de nos réseaux déglingués de santé et d’éducation? Que penserait-il de cette indépendance tant espérée, mais qui n’est pas advenue?

Nous ne le saurons malheureusement jamais. Pierre Bourgault. Par où commencer? Président mythique du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN). Le plus grand orateur de l’histoire moderne du Québec.

Il fut également écrivain. Chroniqueur. Parolier. Acteur. Analyste. Animateur de radio. Chef de foules en liesse. Défenseur passionné de cette si belle langue française, qu’il maîtrisait mieux que quiconque.

Connu comme le «pape» du Plateau-Mont-Royal où il habitait et régnait en roi et maître, il était aussi un très bon vivant et un ami fidèle.

Pierre Bourgault, bête noire à la fois des fédéralistes et du souverainiste René Lévesque. Tous le craignaient parce qu’ils le jugeaient trop «radical».

Il ne ratait jamais la cible

Il était pourtant un homme droit, dont les convictions étaient tout simplement plus inébranlables que les leurs. Un esprit brillant et complexe. Un être exceptionnellement d’exception.

Son intelligence et sa franchise ne rataient jamais la cible. En 1989, même devant la tuerie de la Polytechnique, contrairement au déni ambiant, c’est sans hésitation qu’il l’a qualifiée de «crime sexiste». Il avait encore vu juste.

Pour l’ensemble de son œuvre, il aura trop souvent payé le prix. À la dure. Y compris, et peut-être tout d’abord, au sein même du camp souverainiste.

Jusqu’à ce qu’il obtienne enfin un poste de professeur au département de communications de l’UQAM, Pierre Bourgault avait beaucoup sacrifié à la défense de ses convictions et de ses valeurs.

Parue en 2007 chez Lux, la magistrale biographie Bourgault. signée par l’historien et journaliste Jean-François Nadeau, en fait le portrait le plus complet et allumé qui soit. Courez vite la lire.

J’ai beaucoup admiré Pierre Bourgault

Comme tant d’autres, dès mon enfance dans les années 1960, j’ai admiré Pierre Bourgault. Comment faire autrement? L’orateur tout feu tout flamme aux idées claires. L’internationaliste convaincu à l’anglais impeccable.

L’homme inspirait par sa force intérieure et ses redoutables talents de communicateur né. Capable même de se mesurer intellectuellement à Pierre Elliott Trudeau tout en tenant tête aux policiers sans pitié de l’escouade antiémeute, dont mon père, à l’époque, était membre.

Dans un Québec en pleine effervescence, il semblait être invincible. Sa volonté de faire ce pays était raisonnée, aimante et irrépressible. Zéro compromission. Sur l’essentiel, Bourgault ne courbait jamais l’échine. Jamais.

Dans ma trentaine, j’ai eu l’immense privilège de le connaître et d’avoir, je le crois bien, sa confiance. Nous avons passé des heures à discuter au bout de la ligne de son téléphone magique.

Nous parlions de tout et de rien. De politique, bien sûr. Du monde, il va sans dire. De cinéma et d’acteurs. De littérature et d’auteurs. De télévision. De radio. De journaux. De magazines. Et d’amour. Ça, oui. Beaucoup et souvent.

Avec des étincelles dans sa voix, je l’entends encore me demander: «comment vont tes amours ma belle Josée? Es-tu heureuse? Allez, raconte-moi tout dans le détail. Je te jure que ça va rester entre nous.»

Vingt ans plus tard, comme pour tous ceux et celles ayant eu le plaisir et l’honneur de le connaître personnellement, un peu ou énormément, il me manque. En fait, c’est à tout le Québec qu’il manque.

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