SAM SZAFRAN, OBSESSION VEGETALE D'UN PEINTRE

Elève dessinant au coeur des serres tropicales du Conservatoire Botanique National de Brest

Le dessin botanique vous invite à des stages atypiques !

Découvrez le dessin botanique au travers d'œuvres et de démarches singulières d’artistes et explorez des approches créatives et atypiques pour vous initier à cet art en perpétuelle évolution !

Ouverts aux débutants comme aux amateurs, des cours et des stages ponctuels vous proposent d'explorer les bases de l’esquisse botanique, du dessin d’étude et de l’aquarelle botanique. Une approche pédagogique évolutive, ponctuée d'exercices pratiques et de conseils techniques pour acquérir, à votre rythme, les outils et les clés essentielles de cet art.

Quand le dessin botanique vous invite à un voyage botanique aux cœurs d’univers créatifs remarquables !

Détail de “Lilette dans les plantes”, 1987, fusain, aquarelle et crayon sur papier

SAM SZAFRAN (19 novembre 1934 - 14 septembre 2019)

Figure inclassable au parcours d’autodidacte, Sam Szafran est un peintre de la figuration à une époque qui y a renoncé. S’attachant davantage aux techniques oubliées comme le pastel sec et l’aquarelle dans une quête de virtuosité, il s’éloigne des débats et des modes de son temps.

ÉPREUVES ET DRAMES

Issu d’une famille juive polonaise, il échappe à la rafle du Vel d’Hiv. Enfant caché des campagnes françaises, il vit le traumatisme de la perte des siens, en grande partie morts dans les camps nazis.

Après quelques années chez un oncle en Australie avec sa mère et sa sœur, il revient à Paris où il vit la précarité et la délinquance. Il fait cependant le choix de l’art et sans pouvoir entrer dans les écoles d’art, il suit les cours du soir de la ville de Paris et s’initie à la peinture et la littérature dans les cafés, ateliers et galerie de Montparnasse avant de commencer à être reconnu… L’art restera pour lui comme un ancrage dans la vie réelle, un sauvetage.

Détail de “L’Atelier de la rue de Crussol”, 1972, pastel sur calque

DES THÈMES OBSESSIONNELS

Sam Szafran interroge et explore avec passion - voire obsession - des thèmes singuliers dans son art qui ponctuent ainsi sa vie de périodes artistiques fécondes: 

L’atelier comme “reflet de sa météo psychique” et lieu de naissance d’une œuvre, le thème de l’escalier, nourrit tant d’un souvenir traumatique d’enfance que de sa culture cinématographique, mais aussi le thème de l’imprimerie Bellini, fondée par Sam Szafran et trois autres associés, et celui encore des feuillages.

“L’Atelier de la rue Crussol”, 1972, pastel sur calque

“Escalier”, 1980, pastel sur papier

“Imprimerie Bellini”, 1972, pastel sur calque

Détail “Lilette dans les feuillages”, 2003, aquarelle sur papier

LE PHILODENDRON, GENÈSE D’UNE OBSESSION

Les premiers feuillages voient le jour, dans les œuvres de l’artiste, vers la fin des années 70. Cette nouvelle obsession qui durera près d’un demi-siècle, c’est à son ami et peintre chinois Zao Wou-ki (1920-2013) qu’il la doit et à la découverte décisive d’un philodendron.

“ Au printemp 1966, Jean-Paul Riopelle m’avait présenté Zao Wou-Ki et sa femme May, que j’adorais. Très gentiment, ils m’ont prêté leur atelier (rue jonquoy) pendant l’été mais j”ai été absolument incapable d’y travailler: j’étais fasciné par un magnifique philodendron - rare à l’époque dans une maison - qui resplendissait sous la verrière, et qu’il m’était impossible de dessiner. Cette impuissance était devenue une obsession.”
— Entretien de Sam Szafran avec Daniel Marchesseau dans Sam Szafran, l’atelier dans l’atelier (1960-2000), cat.expo. (Paris, musée de la Vie romantique), Paris, Paris Musées, 2000, p.25

Détail de “Feuillages”, 1986-1989, aquarelle sur papier

LA FEUILLE “MOTIF”: NI TOTALEMENT NATURE, NI VRAIMENT ARTIFICE…

Feuilles finement ciselées qui inextricablement s’enchevêtrent…, les œuvres de Sam Szafran révèlent un travail méticuleux, lent, répété inlassablement, sans jamais en venir à bout. L’artiste investigue les possibles de l’observation minutieuse qui marie l'œil, la mémoire et la main aux dessins méticuleux appuyés par la photographie. Il cherche à transcrire les métamorphoses du végétal. Face à l'exubérante prolifération et la croissance des plantes, il réinvente la feuille comme un motif sans la dénaturer et explore l’espace de son support pour recréer des forêts de feuilles comme une réponse, un échos à l’explosion d’abondance qu’offre une nature insaisissable. 

Détail de “Végétation à la Besnardière”, 1968-1969, pastel et fusain sur papier

Détail de “Feuillages”, 1986-1989, aquarelle sur papier

UNE SÉRIE QUI EN CACHE D’AUTRES

La grande série des feuillages qui en découle se compose de plusieurs sous-ensembles: d’études minutieuses de plantes à des séries au pastel bleu et au fusain ( jeux de contraste entre noir et bleu sans volonté d’une représentation naturaliste) ou au pastel bleu uniquement (la feuille comme motif répété et multiplié dans l’idée de prolifération et d’abondance). 

La série de grands formats, réalisés à l’aquarelle et au pastel, signe une recherche de monumentalité pour rendre la végétation toujours plus foisonnante.

“La serre”, 1969, pastel et fusain sur papier

“Végétation dans l’atelier”, 1980, aquarelle et pastel sur papier

Détail de “Feuillages”, 1986-1989, aquarelle sur papier

“ Quand je dessine mes plantes, je suis assommé par la créativité en elle-même, celle que je vois, et je suis en admiration devant la nature. Devant sa folie, sa violence, devant sa férocité aussi, et devant son calme, devant tout. Quand je pense être arrivé à ce que je m’étais fixé, je me rends compte qu’il y a autre chose. Oui, c’est sans fin.”
— Entretiens avec Alain Veinstein, op. cit., p.78.

Détail de “Lilette dans les plantes”, 1987, fusain, aquarelle et crayon sur papier

LILETTE

Comme une présence inspirante et apaisante, Lilette, que l’artiste épouse en 1963, apparaît comme une fleur dans les œuvres de Sam Szafran. Enroulée dans des kimonos fleuris et colorés, “elle donne l’échelle” comme le souligne l’artiste; elle est la mesure, un point coloré aussi dans les camaïeux de bleus et de verts, mais peut-être aussi un point d’ancrage, un repère ou bien encore un repos, un apaisement dans le tourbillon de l’impérieuse et folle croissance végétale et créatrice qui donne à respirer comme peut étouffer…

Détail de “Végétation dans l’atelier”, 1980, aquarelle et pastel sur papier

MARIAGE DE L’AQUARELLE ET DU PASTEL

Sa passion pour le pastel, peu usité à cette époque, débute en 1960, quand il se voit offrir une boîte de pastel. Il explore et approfondit jusqu’à maîtriser cette pratique en étudiant notamment l’essai de Denis Rouart paru en 1945 sur les techniques d’Edgar Degas, ouvrage auquel il doit beaucoup: “Degas à la recherche de sa technique”.

“ …parce que je suis toujours parti d’un principe: tout ce qui me résiste quelque part, ou bien je laisse tomber, ou bien j’insiste jusqu’à ce que j’arrive à avoir la maîtrise. Et le pastel m’a résisté longtemps. Ce qui explique que je me suis acharné dessus.”
— Sam Szafran

Expérimentateur passionné, c’est notamment à la fin des années 70, souhaitant travailler sur des formats plus grands, que Sam Szafran commence à pratiquer l’aquarelle et à l’associer au pastel. Cette dynamique exploratrice est très féconde chez l’artiste, d’autant que ces deux techniques sont particulièrement difficiles à maîtriser. En découle une réflexion et une véritable investigation sur l’alchimie du sec et du mouillé et sur l’importance du papier dans l'œuvre de Sam Szafran nous laissant des créations remarquables à la technique singulière et affranchie de toute limite.

Détail “L’atelier du graveur”, 1967, pastel et fusain sur papier

UN ATELIER A L’IMAGE D’UN JARDIN CLOS

D’ateliers de fortune en ateliers prêtés, Sam Szafran peut enfin acheter, en 1974, une ancienne fonderie d’aluminium aux hauts murs de briques rouges à Malakoff qui devient alors son atelier et qu’il ne quittera plus.

Le poêle à charbon (élément central de la série de l’atelier de la rue de Crussol), l’escalier en colimaçon, les tableaux d’ateliers, les plantes… Toutes ses obsessions sont concentrées là, dans ce lieu refuge qui abrite également une bibliothèque emplie de livres et livres d’art dont il aime s'inspirer des œuvres qui lui parlent à travers le temps ainsi que sa collection de Naturalia & Artificialia (cabinet de curiosités).

Un univers palpitant, débordant, foisonnant et dont la luxuriance de plantes -  Monstera, Caoutchoutier, Aralias - qu’il ne cesse de dessiner, enveloppe l’artiste et inonde son atelier, biotope singulier où Sam Szafran puise son inspiration et libère une création féconde.

Retiré dans son propre univers, c’est dans le secret de son atelier que Sam Szafran est au monde:

“Mon atelier me permet de respirer. Lorsque je quitte Malakoff [...],
je ne vis plus.”
— Sam Szafran, entretien avec Alain Veinstein, op. cit., p. 172.

Philodendron aux Grandes serres du Jardin des Plantes - Paris 5ème


Références et visuels: 

  • SAM SZAFRAN, Obsession d’un peintre - sous la direction de Julio Drost, avec Sophie Eloy - Musée de l’Orangerie / FLAMMARION

  • Photographies prises par Sophie Graverand à l’exposition “ SAM SZAFRAN, Obsession d’un peintre” au Musée de l’Orangerie, aux serres du CBN de Brest (29 - Bretagne) et aux Grandes serres du Jardin des plantes (Paris 5ème)