«Nous cumulons les handicaps ! Nous sommes loin des grandes villes, la météo est peu clémente, nous n’avons jamais eu d’aides publiques et nous avons une TVA maximale ! » A écouter Thomas Mack, l’un des quatre patrons d’Europa Park (avec son père Roland, son oncle Jürgen et son frère Michael), le succès de l’entreprise familiale relève du miracle. Pendant longtemps, personne ne croyait aux chances de ce Luna Park allemand, installé en 1974 dans le parc arboré du château quatre fois centenaire de la ville de Rust (Bade-Wurtemberg), située à la frontière avec la France. Pourtant, avec ses 100 attractions, 60 magasins, 5 hôtels et 54 restaurants (dont un deux-étoiles Michelin), le lieu a reçu 5,5 millions de visiteurs en 2016. Dernière innovation, le Voletarium : 70 fauteuils qui se balancent au-dessus d’un écran sphérique et donnent l’impression de voler. L’investissement dépasse 50 millions d’euros. « C’est un gros budget, financé sur fonds propres », assure Thomas Mack. Faute d’avoir pu convaincre les investisseurs à leurs débuts, les Mack ont pris l’habitude de tout financer eux-mêmes.
Mais le véritable exploit a consisté à changer de métier. A la tête d’une usine spécialisée depuis six générations dans la conception et la fabrication de manèges, cette dynastie d’ingénieurs était obsédée par la sécurité et la qualité. Le déclic est venu lors d’un voyage aux États-Unis en 1972. Le patriarche Franz Mack et son fils Roland décident d’exploiter des manèges. Le grand-père dessine les plans et tient le stand de gaufres. Ses deux fils dirigent l’affaire. Dans les années 2000, les deux petits-fils, de formation financière et commerciale, arrivent à leur tour. Ils créent une filiale de production de films Mack Media capable de réaliser des images en 3D et aux formats utiles à leurs attractions. Passés des chevaux de bois à la réalité virtuelle en deux générations, les Mack restent des constructeurs d’attractions. Ils gagnent de l’argent sur les ventes de manèges et les brevets, tout en réservant les plus beaux à leur propre parc.
Les ressemblances sont nombreuses avec le concurrent et client Disneyland : l’entrée se fait par une grande rue, qui mène au château et à quinze villages thématiques, consacrés à des pays d’Europe. « Sauf qu’ici le château est authentique, le rez-de-chaussée héberge un restaurant et mon oncle habite les étages », insiste Thomas Mack. La mascotte du parc, la souris Euromaus, est une cousine germaine de Mickey Mouse. Autre idée glanée ailleurs, la présence de marques commerciales (Mercedes, Gazprom, adidas) qui, moyennant finances, profitent de la visibilité offerte par le parc.
Fort taux de fidélisation
De même, une place importante est réservée à la clientèle d’affaires: salles de réunion, auditoriums dans les hôtels et à l’intérieur même des attractions. La famille Mack a inventé le concept hybride de « confertainment » (conférence et entertainment) et investi 10 millions d’euros dans un auditorium de 6.000 places.
La réussite se mesure aussi à la fidélité des visiteurs: 80% d’entre eux reviennent. « Grâce à des investissements continus, ils ont allongé la durée de séjour et séduit une clientèle qui vient notamment d’Allemagne (49%), de France (25%) et de Suisse (21%) », observe Didier Arino, le directeur du cabinet Protourisme. Confiants dans l’avenir, les Mack sont en train de construire un parc aquatique couvert. « Entre 100 et 250 millions d’euros d’investissement, en comptant le nouvel hôtel de 300 chambres, pour une ouverture en 2019 », annonce Thomas Mack. De quoi occuper la prochaine génération.
PLUS DE SENSATIONS
Le parc possède les manèges les plus spectaculaires, car ils sont faits maison et donc de dernière génération, tel le Silver Star (photo), de 75 mètres de hauteur dans lequel la vitesse atteint 130 kilomètres-heure, ou la nouvelle attraction de plus de 50 millions d’euros : le Voletarium. Autre gros succès, les Nuits de la peur organisées au moment d’Halloween, interdites aux moins de 16 ans. Frayeurs garanties.
PLUS D’INTÉGRATION
Les 5 hôtels (de catégorie quatre-étoiles plus) et 54 restaurants sont contrôlés et dirigés à 100% par la famille, alors que dans les autres parcs ces établissements sont gérés par des franchisés ou groupes hôteliers. Les Mack, eux, perçoivent la totalité des bénéfices, réalisent des économies d’échelle et peuvent proposer des offres tout inclus aux meilleurs prix.
PLUS DE CONTRÔLE
Deux générations dirigent l’entreprise et vivent dans le parc avec leur famille. Chacun a ses attributions propres et l’interdiction de vendre ses actions en dehors de la famille. Depuis quelques années, un pacte écrit fixe les règles et stipule qu’au moins l’un des quatre dirigeants doit être présent en permanence dans le parc.
PLUS DE CONTENUS
La production de films est désormais réalisée en interne par la filiale Mack Medias, qui fournit des images aux différents formats des nombreux écrans de ses attractions en 3D ou en réalité virtuelle. En équipant les visiteurs de casques de réalité virtuelle, la famille Mack a eu une idée de génie, car il devient beaucoup plus facile de renouveler un grand huit sans modifier le manège lui-même.
PLUS D’ENTREPRISES
Le parc accueille dans ses nombreuses salles et dans son auditorium de 6.000 places des séminaires d’entreprises et événements professionnels qui constituent 10% de ses revenus. Par ailleurs, la famille Mack propose à des marques commerciales d’être visibles dans le parc, via un espace dédié comme le hall Mercedes, le hall de l’énergie de Gazprom ou les magasins consacrés à Coca-Cola et adidas.