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Salvador Dalí en 3 minutes

En bref

Excentrique, méticuleux à l’extrême, grand connaisseur des théories freudiennes, Salvador Dalí  (1904 – 1989) a autant marqué l’histoire du surréalisme que celle de l’art moderne. Sa technique pourtant relève d’un réalisme très poussé reflétant sa passion pour les maîtres anciens italiens et espagnols (Léonard de Vinci, Michel-Ange, Diego Vélasquez…). Inventeur d’une méthode de création spontanée nommée la « paranoïa-critique », le maître se définissait volontiers comme un génie. Sa période surréaliste reste l’une des plus marquantes au sein d’une œuvre qui court sur près de 70 ans !

Salvador Dalí
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Salvador Dalí, 1968

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© AGIP / Bridgeman Images

 

Il a dit

« L’unique différence entre un fou et moi, c’est que moi je ne suis pas fou. »

Sa vie

Né à Figueres, en Espagne, Salvador Domingo Felipe Jacinto Dalí i Domènech grandit auprès d’un père autoritaire, et fait office d’enfant de substitution après le décès d’un premier enfant du couple. Dalí rapportera plus tard qu’il s’était senti constamment comparé à ce frère décédé, voire que ses parents ne le considéraient pas comme un individu à part entière. Le jeune garçon découvre la peinture impressionniste vers l’âge de 12 ans auprès d’un peintre local, Ramón Pichot.

Promu bachelier, Dalí s’installe à Madrid pour y suivre un cursus artistique à l’École des Beaux-arts, avec l’assentiment de son père. Il commence à noter ses impressions, sous forme de journal, et l’écriture jouera un rôle important toute sa vie durant. Il se lie avec de jeunes intellectuels, dont Luis Buñuel et Federico García Lorca. Rétif à l’autorité, il se fait difficilement au climat de l’école et étudie en solitaire les maîtres italiens.

En 1926, Dalí arrive à Paris, capitale des avant-gardes, une ville dont il devient plus familier dans les années 1930. C’est là que l’artiste entre en contact avec le groupe surréaliste dirigé par André Breton. À cette époque également, il fait la connaissance de Gala (alors mariée au poète Paul Éluard), qui deviendra sa femme et sa muse. Passionné par le cinéma, Dalí apporte sa contribution à l’œuvre de Buñuel, Un Chien andalou (1929) et L’Âge d’or (1930). Ces années sont très constructives. L’artiste trouve son style personnel : une technique très classique voire hyperréaliste, croisée avec de multiples sources d’influence dont le cubisme et le futurisme. Dalí trouve pleinement sa place au sein du surréalisme.

L’artiste aurait prononcé cette affirmation célèbre et provocante, « Le surréalisme, c’est moi ! », rayant de la carte tant de personnalités importantes (André Breton, Louis Aragon, Max Ernst, Man Ray…). Dalí a entretenu des liens complexes avec ce groupe jusqu’en 1939, mais partageait avec ses membres une attention accrue au monde psychique, aux images et fantasmes nés des rêves et des peurs. L’artiste refuse l’autocensure et fait appel à des souvenirs, des croyances, souvent crus et liés à son enfance, à sa vie personnelle.

Dans les années 1930, Dalí énonce sa méthode « paranoïaque-critique », conçue à l’aide de sa connaissance de la psychanalyse. Il s’agit de faire librement appel à ses pensées et à ses délires, d’auto-analyser les images obsédantes qui habitent son esprit et surgissent à sa conscience. Rien à voir, donc, avec l’écriture automatique des surréalistes. À l’aide de cette méthode, Dalí réalise ses tableaux les plus célèbres, dont les fameuses Montres molles (le titre véritable est La Persistance de la mémoire, 1931). Il ne faut pas y chercher une représentation réaliste, mais une évocation des temporalités et des lieux par l’usage de symboles qui permettent aussi de traduire des situations intérieures complexes comme le rapport à la sexualité, la peur de la mort…

Dalí cultive dans son œuvre picturale et littéraire de nombreuses obsessions : L’Angélus (1857–1859) de Jean-François Millet, la figure d’Hitler – bien qu’il niait être un sympathisant nazi –, sa femme et muse Gala, la sexualité, le pourrissement … Autant de motifs qui reviennent perpétuellement dans ses toiles.

 Mégalomane, narcissique, dépensier, Dalí s’est créé un véritable personnage à la vie comme à la scène, que Breton surnommait cruellement Avida Dollars. Le peintre catalan aimait vivre entouré et a su diversifier sa production : publication d’ouvrages (La Vie secrète de Salvador Dalí en 1942, Journal d’un génie en 1963…), cinéma, théâtre, création de bijoux, robes et mobiliers… Dalí est partout, jusque dans la publicité dans les années 1960. Exilé aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, l’artiste revient en Europe en 1948 pour se fixer à Portlligat, petit village de pêcheurs sur la côte catalane.

Dans la dernière partie de sa carrière, revenu vers une figuration plus classique, Dalí montre une prédilection pour les thèmes mystiques, l’histoire et la science. Atteint de la maladie de Parkinson, il décède en 1989 à Figueres (quelques années après Gala), non loin du Théâtre-musée Dalí qu’il avait créé à la gloire de son œuvre en 1974.

Ses œuvres clés

Salvador Dalí, Le Grand masturbateur
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Salvador Dalí, Le Grand masturbateur, 1929

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Huile sur toile • 110 × 150 cm • Madrid, Muséo Nacional Centro de Arte Reina Sofia • © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali / Adagp, Paris 2019 / Index Fototeca / Bridgeman Images

Le Grand masturbateur, 1929

Peinte à l’époque où l’artiste rencontre Gala, la toile traite du fantasme et de la peur du sexe féminin, un thème récurrent dans son œuvre. Dans un paysage presque désert et azuréen, un profil penché apparaît contaminé par une sauterelle et des fourmis (deux images associées au pourrissement). La surmontant à droite, une femme tourne son visage vers un bassin masculin en caleçon, suggérant une fellation. Cette œuvre exprime-t-elle la fin d’une incertitude chez l’artiste, celle de son orientation sexuelle ? Il semble qu’avant la rencontre avec Gala, Dalí ait connu des sentiments ambivalents pour Federico García Lorca, mais que la relation homosexuelle n’ait jamais été consommée.

Salvador Dalí, La Persistance de la mémoire
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Salvador Dalí, La Persistance de la mémoire, 1931

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Huile sur toile • 24 × 33 cm • New York, Museum of modern art • © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali / Adagp, Paris 2019 / Digital image, The Museum of Modern Art, New York / Scala, Florence

La Persistance de la mémoire, 1931

Plus connue sous le titre des Montres molles, cette toile est typique de la période surréaliste de Dalí. Comme d’habitude, le peintre représente un paysage familier, celui de Portlligat, associé à des figures déconcertantes : des montres à gousset fondantes (l’idée lui serait venue en observant un camembert mou). Dalí explore ici l’angoisse de son rapport au temps, et donc l’approche de la mort. Cette œuvre a été peinte à l’aide de la méthode paranoïaque-critique, qui lui permettait consciemment d’accéder à ses peurs, ses obsessions, et de les analyser.

Salvador Dalí, L’Énigme sans fin
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Salvador Dalí, L’Énigme sans fin, 1938

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Huile sur toile • 114,3 × 146,5 cm • Madrid, Muséo Nacional Centro de Arte Reina Sofia • © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali / Adagp, Paris 2019

L’Énigme sans fin, 1938

D’une grande complexité, cette toile sollicite la capacité d’observation du spectateur car Dalí a imbriqué différentes formes pouvant en suggérer d’autres, comme un calembour visuel. L’œuvre semble poser la question : peut-on se fier à la réalité ? Un rivage dessine un visage, qui peut aussi se révéler être un compotier avec fruits ; les montagnes évoquent un cheval mais aussi un corps humain. Peut-être inspiré par la mythologie, Dalí donne à voir des histoires et des mondes emboîtés, interprétables de multiples manières.

Salvador Dalí, La Madone Sixtine
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Salvador Dalí, La Madone Sixtine, 1958

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Huile sur toile • 190 × 223 cm • New York, Metropolitan Museum of art • © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali / Adagp, Paris 2019 /Photo Luisa Ricciarini / Bridgeman Images

La Madone Sixtine, 1958

Cette œuvre appartient à la production mystique et sacrée de Dalí, tout en révélant son admiration pour Raphaël. Elle coïncide à son retour vers la foi catholique. Le peintre joue avec la perception optique, faisant apparaître l’image de la Madone dans une oreille géante. L’artiste met en pratique ce qu’il nomme sa « mystique nucléaire », association entre les théories sur la matière (Dalí avait été ébranlé par l’explosion atomique d’Hiroshima en 1945) et la foi. Par ce biais, il cherche à saisir le tout, le visible et l’invisible, au sein d’une même image.

Par • le 15 mars 2020
Retrouvez dans l’Encyclo : Surréalisme Salvador Dalí

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