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Les grooves libérateurs de Betty Bonifassi

Photo: Chantal Lévesque/Métro

C’est Betty Bonifassi qui clora en salle le 35e Festival international de jazz de Montréal (FIJM). Elle présentera ses Chants d’esclaves, chants d’espoir, avant de les offrir sur un album à l’automne.

«C’est la première fois que je vais jouer le show à l’image de ce que l’album va être. On a hâte», confirme la chanteuse. Accompagnée de Jean-François Lemieux, de Benjamin Vigneault, de Martin Lizotte et du vidéaste Antoine Saint Maur, Betty Bonifassi offrira les pièces tirées des répertoires des chansons noires des années 1920, revisitées et retravaillées à la sauce électro. «Mais ce n’est pas un show didactique. Je ne viens pas sur scène pour expliquer c’est quoi, ces chansons-là. J’avais envie de pouvoir toucher un large public, d’où l’électro. Ça groove», ajoute-t-elle.

«Chaque lieu de souffrance a connu des types de tounes qui lui étaient propres», croit Betty Bonifassi. Slave songs, chain songs, gandy dancers songs, prisoners songs, work songs, call songs: plusieurs catégories de chants qui racontaient des histoires, qui servaient à passer des messages en secret, mais surtout, qui rassemblaient. «Le but de ces chansons, c’était d’avoir des refrains à l’infini, poursuit la chanteuse. C’est ça qui rassemble. Comme des mantras. Ces refrains répétés donnaient aux gens un sentiment de soulagement physique.»

Le projet roule depuis longtemps. Les premières recherches de l’interprète sur le sujet datent d’il y a 16 ans. Il a fallu beaucoup de travail pour le développer. «Ce sont des chants qui existaient, mais sans musique. Il y a [eu] beaucoup d’écriture, de composition [à faire]. Il a fallu que je trouve les histoires dans ces boucles répétées.» Un travail fascinant pour la linguiste qu’est Betty Bonifassi, et à travers lequel elle a découvert le travail d’Alan Lomax, ethnomusicologue qui a recueilli et répertorié, au 20e siècle, du folklore d’un peu partout, dont certaines des chansons dont il est question ici.

Esclaves des temps modernes
«Je ne pense pas être over the top avec ce genre de sujet, analyse Bonifassi. J’ai fait cet album pour montrer à quel point on est exactement à la même place que les gens qui chantaient ces airs-là. C’est mon coup de poing: on n’évolue pas!» Elle parle des histoires récentes d’esclavage sur les bateaux de pêche asiatiques, de l’écart énorme entre les riches et les pauvres. Les esclaves modernes chantent-ils, eux aussi? «Je voudrais le prouver, en fait. J’ai commencé une espèce de travail de minidocumentaire de fiction pour essayer de voir si aujourd’hui encore on chante sur des lieux de travail à la chaîne. Par exemple, est-ce que les Mexicains qui viennent cueillir des fraises au Québec chantent? Ça se pourrait.»

Des histoires
Ces chansons racontent des histoires. En voici quelques bribes, que raconte Betty Bonifassi.

  • Grizzly Bear. «C’est un chant qui raconte l’histoire d’un jeune homme qui n’a pas peur de Grizzly Bear. Et ce Grizzly Bear, c’est le capitaine qui le surveille.»
  • Black Betty. «Les Black Betty, c’étaient les trains qui amenaient les prisonniers noirs des prisons aux lieux de travail.» Une chanson popularisée par Ram Jam dans les années 1970.
  • Whoa buck. «C’est une expression pour dire What’s up? Cette chanson a été reprise par Lead Belly. Mais [sa version] s’appelait Whoa back buck. Rien de la version originale ne se trouve dans la version de Lead Belly. L’original, c’est censé être deux gars qui se racontent des histoires d’amourettes, un dimanche sur le perron de l’épicerie, en train de flamber le peu d’argent qu’ils ont pour se payer de l’alcool et des cigarettes. L’un d’eux raconte assez banalement qu’il veut une fille qui ne veut pas de lui.»

Chants d’esclaves, chants d’espoir
Au Club Soda
Dimanche à 23h

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