Contrôle technique des motos : "du foutage de gueule", "inutile"... les motards appellent au "boycott"

Face à la mise en place du contrôle technique des deux-roues, les motards ne cessent de se lever contre cette mesure qu'ils jugent inutile et contre-productive.

Un motard a été victime d'un accident dans le Morbihan dans la soirée du samedi 13 avril 2024.
Les motards veulent des solutions alternatives, mais pas de contrôle technique. (© Illustration/Pixabay.)
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« C’est du foutage de gueule. » Ils ne mâchent pas leurs mots, et pour cause. Les motards protestent encore et toujours contre la mise en place, ce lundi 15 avril 2024, du contrôle technique obligatoire des deux-roues. 

Eric Thiollier, animateur de réseau à la Fédération Française des Motards en colère (FFMC), a deux motos, qu’il entretient régulièrement. Pour lui, il est important de les faire réviser parce qu’il sait qu’en deux-roues, « on est toujours sur le fil du rasoir« , concède-t-il à actu.fr

Mais ce contrôle technique imposé aux deux-roues motorisés, c’est « complètement inutile, ça ne sert à rien », lâche-t-il sans retenu. Il va plus loin dans son propos en affirmant que cela « va emmerder 90 % des motards parce qu’il y a des petits cons qui font n’importe quoi. De toute façon, ceux qui n’entretiennent pas leur moto vont trouver des moyens de filouter pour continuer à rouler dans ces conditions. » 

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Pas de passe-droit 

Laurent, quant à lui, possède une 1000 CBR F de 1992, un modèle de collection, « une moto d’amour » explique-t-il, la passion dans la voix. Il possède également une 1400 ZZR de 2016 pour les circuits et une BMW K1600 pour les voyages. Il dit très bien connaître ses bolides et se dit également « farouchement opposé et rien ne me fait changer d’avis ». 

Il poursuit : « On impose une mesure injuste aux deux-roues pour un tiers du parc peu scrupuleux. » Certains motards, comme Laurent ou Eric, se sentent donc lésés de se voir contraint de passer leurs véhicules au contrôle technique alors qu’ils entretiennent leurs deux-roues méticuleusement. 

Ce que souligne aussi Patrick Cor, membre de la FFMC de Haute-Garonne, pour actu Toulouse

Les motards sont des passionnés, ils prennent soin de leurs motos, que l'on sort pour le plaisir. Ils savent qu'au moindre faux pas, la mort est assurée et puis tout est visible sur une moto. Une voiture, c'est pour aller d'un point A à un point B.

Patrick Cor, membre de la FFMC de Haute-GaronneÀ actu Toulouse

« L’état technique à l’origine de 0,3 % des accidents » : un chiffre qui date de 2005

D’autant qu’à ce sentiment de profonde injustice s’ajoute une réalité de terrain : le manque de formation des contrôleurs. Sur une dizaine de centres de contrôle technique contactés par actu.fr, tous nous ont répondu qu’ils n’étaient pas encore prêts à se lancer.

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« Payer 80 euros pour un contrôle par un contrôleur qui a reçu une formation de 33 heures sans connaître les motos, c’est du foutage de gueule », martèle Eric Thiollier. 

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Les propriétaires de deux-roues entendent l’argument de la sécurité, mais ils ne sont pas pour autant en adéquation avec celui-ci : « On a vingt ans de recul de chiffres sur la sécurité pour montrer que l’état technique du véhicule n’est à l’origine que de 0,3 % des accidents », analyse de son côté Frédéric Jeorge, motard dans les Alpes. L’étude, souvent citée par les motards, est celle de la Maids (Motorcycle accident in depth study). Elle est sortie en 2005 et le chiffre n’a pas été réévalué depuis. 

Pour lui, le problème va désormais être le même que pour les voitures, des motos vont être refusées lors du contrôle technique pour des « raisons ubuesques ». Il détaille : « Je suis récemment tombé à moto et depuis il manque désormais deux centimètres au bout de mon levier de vitesse. Ce qui est normal puisque c’est une partie autocassante qui évite que l’ensemble de la mécanique casse. En l’état actuel, on me refuserait le contrôle technique, alors que c’est une partie conçue exprès pour casser… »

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L’analyse est plus poussée, la résultante est la même pour Julien Trempu, membre de la FFMC, qui s’est exprimé, amer, auprès de notre rédaction du Pays d’Auge.

Je le répète, le contrôle technique n’a prouvé son efficacité nulle part. Des pays comme l’Espagne, l’Italie, la Suède ou la Slovénie l’ont mis en place et le nombre de morts en deux-roues a augmenté ces dernières années. Je ne dis pas que c’est à cause de ça, mais en tout cas, ça n’empêche pas les accidents graves.

Julien Trempu, membre de la FFMCAu Pays d'Auge
Julien Trempu, de la Fédération des motards en colère, peste contre la mise en place du contrôle technique obligatoire pour les motos. ©Le Pays d'Auge
Julien Trempu, de la Fédération des motards en colère, peste contre la mise en place du contrôle technique obligatoire pour les motos. (©Le Pays d’Auge)

Tout ça pour dire que les motards contestent fermement l’aspect sécuritaire. « On a quelques véhicules défaillants, oui certes, mais ce n’est pas un enjeu de sécurité routière. L’enjeu est uniquement commercial à la base », lâche Frédéric Jeorge. 

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« On estime que les motos sont bien entretenues, que personne ne roule avec une moto épave par rapport à certaines voitures, que chaque motard prend soin de sa moto », abonde de son côté Fabrice Tellier, secrétaire de la FFMC 72, dans les colonnes d’actu Le Mans

Un porte-parole du mouvement, Fabrice Tellier, trésorier de la FFMC 72, lors des blocages de ce samedi 13 avril 2024, au Mans, contre la mise en place du contrôle technique. © Maxime DAVOUST/Actu Le Mans
Un porte-parole du mouvement, Fabrice Tellier, trésorier de la FFMC 72, lors des blocages de ce samedi 13 avril 2024, au Mans, contre la mise en place du contrôle technique. (©Maxime DAVOUST/Actu Le Mans)

Vers un boycott des contrôles technique ? 

Dans cette gronde, certains motards sont radicaux, à l’image de Frédéric Jeorge, car ils ne présenteront « certainement pas » leur véhicule au contrôle technique. « Même avec mes voitures, je n’irai pas dans les centres qui pratiquent le contrôle technique deux-roues », explique-t-il, déterminé. 

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Une contrainte loin d’être des plus pratiques pour lui qui présente ses motos à son garagiste « une fois par an, par sécurité, car je ne suis pas mécano, même si j’ai les bases théoriques ». Mais il se dit « prêt à aller jusqu’à la verbalisation qui est quasiment aussi élevée que le prix du contrôle en lui-même », lâche le motard dans un sourire nerveux. 

Même son de cloche pour Laurent : « Je ne laisserai pas d’argent aux contrôleurs, vous rigolez ou quoi ? Je boycotte le contrôle technique », s’exclame le Cannois, remonté. 

La carte de la patience

Alors, il demande aux motards d’être patients : « L’idée, c’est de résister le plus possible. Je dis de ne pas faire le contrôle technique. » Le tout avec une petite stratégie en tête, comme explique Frédéric Jeorge. 

Je ne suis pas sans espoir que le bon sens l'emporte. J'ai tendance à espérer que le gouvernement, comme il l'a fait pour les vignettes Crit'Air ou le brassard jaune qu'il voulait nous obliger à porter, baisse le pied sur le contrôle technique.

Frédéric JeorgeMotard

Les motards ne réclament pas un passe-droit

Mais au-delà de râler contre le contrôle technique, les motards veulent réfléchir sur des solutions qui, à leurs yeux, seraient plus utiles. « Il y a mieux à faire, on peut travailler sur l’état des routes ou encore sur les relations entre usagers de la route. Quand on est motard, on est aussi automobiliste, on comprend les deux points de vue », tempère Eric Thiollier, qui participe à la mise en place de stages de perfectionnement de conduite avec la FFMC.

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Frédéric Jeorge évoque d’autres éléments : « Le bruit et la pollution sont déjà contrôlés en bord de route. Il faut réfléchir à des solutions alternatives, si le contrôle technique avait la moindre utilité, on l’aurait déjà mis en place nous-même au sein de la FFMC. »

Ce que souligne aussi Yves Marblé, coordinateur de la FFMC 77 dans notre journal La Marne : « Il faudrait plutôt s’occuper des infrastructures, comme les routes. Cela représente environ 30 % des accidents, un chiffre impressionnant en comparaison des 0,3 % de l’entretien. »

Des solutions autour de la table ? 

Pour trouver un terrain d’entente, Laurent, membre du moto-club de Cannes et propriétaire de trois motos, réclame que les parties se mettent autour d’une table pour trouver un compromis. « Je ne vois pas le gouvernement reculer, par fierté, et les motards ne veulent pas cesser le mouvement de contestation. Alors, asseyons-nous autour de la table ! », argue le propriétaire de trois cylindrées. 

En attendant que le gouvernement fasse éventuellement machine arrière, Laurent dresse un tableau, assez sombre, sur ce que pourraient devenir les routes. « On voit une recrudescence des refus d’obtempérer. En temps normal, on veut échapper aux forces de l’ordre à cause de la drogue, l’alcool, l’état du véhicule ou que sais-je encore. Si on rajoute le contrôle technique pas en règles comme raison de refuser de se soumettre au contrôle, je vous laisse imaginer le Far West que vont devenir les routes ». 

Il en appelle à la « désobéissance civile » et indique qu’il « verrait bien une collusion des agriculteurs, motards, taxis, chauffeurs routiers… qui séparément n’ont pas été entendus et pourraient se regrouper ». 

D’autres voix s’élèvent en faveur du contrôle technique

Interrogé par Le Réveil Normand, Samuel Horiel de MBK Atelier Motos, la grande majorité de ses clients prêtent attention à leur moto et en prennent soin « puisqu’ils savent que c’est dangereux ». Ce qui le rend perplexe face au contrôle technique, mais il estime que le problème est ailleurs. Précisément lors des ventes

Là, on a de grosses surprises. Il y en a qui vendent des véhicules qui sont limites sur des points de sécurité.

Samuel Horiel

Alors, si on lui pose la question « pour ou contre le contrôle technique pour les deux roues ? », il se dit « plutôt contre, mais pourquoi pas un contrôle technique pour la vente ».

Si Samuel Horiel ouvre une porte en guise de réflexion, Franck-Olivier Torro est bien plus tranché. Le porte-parole de l’association Ras-le-Scoot se dit « très favorable » au contrôle technique imposé aux deux-roues motorisés, dans un entretien à actu.fr. Il en profite pour souligner que les motos ne sont pas les seuls engins concernés, les scooters et même les voiturettes devront se confronter aux contrôleurs. 

Réduire les nuisances

Selon lui, l’équation est simple : il s’agit là de « pouvoir contrôler les niveaux de nuisances atmosphériques et sonores.« 

Et même s’il avance un argument sécuritaire, concédant que « l’état des routes a un impact », ce n’est pas vraiment son cheval de bataille. « Tout ce qui peut décourager l’usage des deux-roues motorisés est une bonne chose, car ça fait du bruit et ça pollue » constate-t-il, froidement. « Ce n’est pas un mode de transport vertueux. » 

L’argument du beau bruit n’a que très peu de valeur pour lui : « Il ne nous émeut pas. Il n’y a pas de beaux bruits, juste du bruit. »

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